Projet Athlètes en transition : Erik Guay (seconde partie)

Karen & Erik Guay. ©Guillaume Vincent

Voici la seconde partie de l’entretien avec Erik Guay, qui s’inscrit dans la série intitulée Projet Athlètes en transition (ATP). Ces chroniques sont le fruit de discussions informelles avec certains de nos athlètes vedettes des Laurentides : Magali Tisseyre, Xavier Desharnais, Ariane Lavigne et Erik Guay. Le deuxième volet de notre rencontre avec Xavier Desharnais paraitra ce printemps et conclura cette série.

Retrouvez la genèse de cette série à tremblantexpress.com/author/jmaunders.

John Maunders : Quelles ont été les choses les plus pénibles, celles qui ne te manquent pas ?

Erik Guay : Les blessures. Pas seulement les miennes, mais aussi celles des autres. Plus on en voit et plus on en vit et plus on prend conscience du temps et du travail qu’il faudra pour revenir, au-delà de la douleur réelle et de l’incertitude que cela implique.

Une fois, j’ai vu de près une collision sur une piste. Le médecin de l’équipe était là dans les 20 secondes, mais le skieur est mort. Je ne l’oublierai jamais.

Lors de ma dernière course (la descente de Lake Louise) – juste avant mon départ – le Canadien Broderick Thompson s’est cassé la jambe, puis Manny Osborn-Paradis s’est cassé la jambe très gravement, ce qui a mis fin à sa saison. J’ai alors compris qu’il était temps de prendre ma retraite.

J’ai dit que les voyages faisaient partie des meilleures choses, mais avec le temps, ils sont devenus moins excitants parce que j’avais une famille qui s’agrandissait et qui me manquait de plus en plus.

J.M. : Quel était ton programme de voyage et d’entraînement pendant la Coupe du monde ?

E.G. : Je partais vers le 20 octobre pour participer à des évènements et à des entraînements de présaison en Europe. Le calendrier officiel de la Coupe du monde s’étendait de novembre à fin mars, avec une préparation et des courses dans un site différent pratiquement chaque semaine. Ensuite, il y avait généralement trois camps de ski d’été… avant que tout ne recommence.

J.M. : Tu as une femme et quatre filles. Comment le mariage et la création d’une famille s’intègrent-ils ?

E.G. : Ma femme Karen, que j’ai rencontrée à Lake Louise au début de ma carrière, a rendu tout cela possible. Elle est résiliente et pleine
de ressources. Elle s’est occupée seule de la famille neuf mois sur douze.

La vie d’un athlète est égoïste, pour plusieurs raisons. J’étais appliqué et organisé dans mon approche du ski. Karen était appliquée et organisée avec la famille.

Cela a plutôt bien fonctionné. Le plus difficile, c’était quand je revenais après la saison et que toute la famille devait s’habituer à ma présence !

C’est grâce à Karen si j’ai réussi ; elle a su gérer la famille sans que je doive sacrifier mon entraînement.

J.M. : Que t’a appris la course au plus haut niveau ?

E.G. : Le travail acharné porte ses fruits, surtout si l’on est à l’écoute et ouvert à l’apprentissage. Je veux que cela se répercute dans notre entreprise. Cela ne me dérange pas d’aller sur le terrain et de mettre la main à la pâte.

Par ailleurs, la dynamique d’équipe est importante, surtout dans des conditions de travail difficiles. Notre entreprise m’en apprend davantage à ce sujet… il faut savoir détecter les situations tendues et y remédier.

J.M. : Quand tu nous as aidés, lors de l’atelier avec François Belle-Isle au club d’athlétisme Epsilon, je me souviens que tu écoutais et tu assimilais vraiment… deux oreilles et une seule bouche !

(Erik sourit)

E.G. : Je pense que j’apprécie aussi la santé au sens large. Elle est beaucoup plus importante que la richesse. J’admire vraiment les hommes et les femmes qui skient, coupent du bois et font du vélo à 80, voire 90 ans…

J.M. : Nous en avons beaucoup dans la région, y compris mes amis et mes patients !

E.G. : Exactement. J’espère être comme eux. Rester actif et garder l’équilibre.

Même dans un sport comme le ski alpin de compétition, où il est très important d’être concentré et discipliné, il ne faut pas sous-estimer l’importance de profiter simplement de la neige. Le ski libre dans la poudreuse fraîche en fait partie ! En Colombie-Britannique, où l’on a tendance à accorder plus de temps au ski libre, les coureurs se développent peut-être plus lentement, mais ils atteignent souvent des sommets plus élevés dans leur carrière que les coureurs d’autres provinces.

J.M. : Qu’est-ce qui était important pour toi pendant les années de compétition ?

E.G. : Gagner, sans perdre de vue le fait de s’améliorer chaque jour.

J.M. : Qu’est-ce qui est le plus important… et le plus excitant maintenant ?

E.G. : Le succès de l’entreprise. C’est-à-dire que les clients soient satisfaits et que le travail livré soit de haute qualité, dans les délais, malgré toutes les variables telles que la météo et la disponibilité de la main-d’œuvre. Savoir s’adapter aux changements de dernière minute.

J.M. : La façon dont les autres te voient, ou la façon dont tu te vois, a-t-elle changé ?

E.G. : Je ne sais pas.

J’espère qu’ils m’ont vu, et qu’ils me voient toujours, comme un professionnel… un exemple pour mes enfants et les autres. Je suis fier d’avoir pris ma retraite sans controverse ni tache noire sur mon CV.

J.M. : Dans cette série d’entretiens avec deux femmes et deux hommes, issus de sports différents, à des stades différents de la création d’une famille et se lançant dans des carrières différentes, vous semblez tous être des modèles pour lesquels il est important de « donner en retour ».

E.G. : Je pense qu’il est extrêmement important de renvoyer l’ascenseur. L’une des premières choses que j’ai faites lorsque j’ai pris ma retraite a été de rejoindre le conseil d’administration du Club de ski de Mont-Tremblant… J’ai été entraîneur gratuitement cette année-là. Depuis, j’ai rejoint plusieurs conseils d’administration : Canada Alpin, FIS, l’équipe de ski de la division laurentienne, et après, je me suis lancé dans l’entraînement. Nous consacrons tellement de temps et d’efforts pour un sport qu’il serait dommage de ne pas transmettre ce que nous avons appris.

 

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Dr John Maunders

 

John Maunders14 Posts

Le Dr. John Maunders a exercé 25 années en médecine familiale, dont 20 en urgence et soins intensifs. Il porte un intérêt naturel pour l’activité physique de toutes sortes en tant que participant, entraîneur et médecin. Dr. John Maunders has spent 25 years in family medicine including 20 years in emergency and intensive care. Natural interest in physical activity of all sorts and seasons, as participant, coach, or physician.

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