Louis Dufour, un ami de toujours

Louis Dufour à l'une des éditions de l'évènement de snowboard Shakedown. ©Courtoisie

Natif de Sainte-Adèle, dans les Basses-Laurentides, Louis Dufour devint rapidement un excellent skieur et c’est par le biais de la compétition que notre amitié a débuté. À cette époque, les Basses-Laurentides et les Hautes-Laurentides se livraient une chaude lutte sur les pentes de ski et Louis était un compétiteur effréné. Étant de trois ans son cadet, je le considérais comme un adversaire sur les pistes, mais notre amour du ski créait une camaraderie saine et respectueuse qui durera plus de 50 ans.

Au tout début de nos carrières respectives, les catégories étaient bien différentes de ce que l’on connaît aujourd’hui. Sous la gouvernance de l’Association canadienne de ski, il y avait deux catégories par sexe ; les Juniors jusqu’à l’âge de 19 ans et les Seniors de 20 ans et plus. Que ce soit en descente, en slalom ou en géant, les femmes descendaient en premier, à commencer par les plus jeunes, puis c’était au tour des hommes, toujours du plus jeune au plus âgé.

Dans chaque catégorie, il y avait trois paliers A, B et C – le palier C étant le moins accompli. Au fil des compétitions, les coureurs accumulaient des points qui leur permettaient d’accéder au palier suivant. Il était ainsi possible – même si le skieur avait commencé la compétition à un âge plus avancé – d’atteindre un niveau supérieur sans le stress de l’âge. Un jeune skieur qui avait des résultats supérieurs à sa catégorie pouvait passer au niveau supérieur et faire partie de l’équipe canadienne de ski alpin avec les points amassés, mais il en était de même pour un skieur trop âgé pour faire partie du système de compétition. Pour revenir aux compétitions entre régions, nous mettions un point d’honneur à remporter une course et c’était, sans contredit, une motivation supplémentaire de gagner pour notre patelin.

De retour d’une saison en Europe, l’équipe canadienne de ski alpin fut fortement encouragée à participer à une compétition de slalom géant au mont Habitant. Cette dernière était jumelée à une levée de fonds organisée par Mickey Stein, propriétaire de la station de ski. Nous sommes en mars 1963. Après ma descente, je remonte au départ pour encourager les coureurs et je remarque Louis dans le portillon de départ. Ses yeux bleus lançaient des flammes et j’ai réalisé que cette course n’était pas gagnée. Résultat, Louis gagnera la course. Bien sûr, j’étais déçu, mais tellement heureux pour lui. Sa photo se retrouvera dans les journaux qui raconteront son exploit.

En 1968, Louis épouse Dahris Dandurand qu’il a rencontrée sur les pistes à Sainte-Adèle. Tous deux sont passionnés par le ski et les Laurentides, mais comme il faut gagner sa vie, le jeune couple s’établit à Montréal où Louis travaille chez Eaton, un grand magasin du centre-ville, dans le rayon hommes. Un jour que je déambule rue Sainte-Catherine, je suis interpelé par Louis qui m’annonce qu’il part travailler à Saint-Sauveur. Quand je lui demande ce qu’il va y faire, il me répond : « Je ne sais pas, je vais le savoir quand j’y serai ». Et le reste passera à l’histoire. Jacques Hébert, un des propriétaires de la station de ski Mont Saint-Sauveur, voyait en Louis l’homme qui allait changer la réputation de Saint-Sauveur. Son dynamisme et sa passion en feront un endroit reconnu pour l’innovation et le service à la clientèle. Visionnaire, Jacques Hébert avait évalué le plein potentiel de ce jeune homme et de la montagne.

La proximité de Saint-Sauveur avec les villes de Montréal et Laval en a fait une destination incontournable pour les skieurs urbains. Grâce au territoire éclairé et à la facilité d’accès, le ski de soirée – déjà établi dans d’autres stations – y connaitra plus de succès. Étudiants, travailleurs, tous peuvent s’offrir quelques heures de ski en fin de journée. Non seulement la montagne bénéficiera de cet engouement pour le ski de soirée, mais les commerçants du village feront de bonnes affaires. Et tout le monde y gagnera.

Louis Dufour et Serge Couture (opérations) deviennent partenaires de ce qui est maintenant connu comme Sommet Saint-Sauveur. Leur investissement est retenu à même leur chèque de paie à raison de 1 000 $ par année. Sous cette nouvelle administration, l’endroit prend de l’essor. Que dire du chalet du Sommet Saint-Sauveur, l’œuvre architecturale du célèbre Peter Rose – avec lequel, nous avons également compétitionné ? Un beau début de sa carrière d’architecte qui lui vaudra, ainsi qu’à ses collaborateurs, un grand prix offert par la revue américaine Progressive Architecture.

©Courtoisie

Les constructions Ski In/Ski Out, la première remontée quadruple des Laurentides, les acquisitions des centres de ski avoisinants ainsi que celle de Jay Peak dans le Vermont. Tout se traduit par le succès !

Les années passent, j’entends parler des réalisations de Louis et de son équipe, entre autres, le coup d’éclat avec l’enneigement de la rue Sainte-Catherine pour démontrer qu’il y a de la neige à Saint-Sauveur. Nous nous rencontrons au moins une fois par année au Temple de la renommée du ski des Laurentides. Louis me parle de ses fils David, Christian et Éric et de leur action à ses côtés. Chaque année, nous disons, il faudrait bien faire quelques virages ensemble et l’année suivante on refait la même promesse parce que la vie étant ce qu’elle est, nous pensons qu’il y aura toujours du temps pour le faire…

Louis est décédé en 2022, j’ai assisté à la célébration de sa vie et je me suis tenu en retrait. J’ai pu entendre et voir l’héritage de Louis chez ses fils. Bien sûr, on ne peut pas garantir l’avenir, mais je constate dans la relève des familles Hébert et Dufour une continuité dans la vision du futur et un souci du détail qui font honneur aux hommes qu’étaient Louis Dufour et Jacques Hébert.

Depuis des décennies lorsque je passe en voiture devant les pentes de Saint-Sauveur, je suis toujours fasciné par l’activité ambiante et je me sens fier pour Louis Dufour. Aujourd’hui, je suis toujours aussi admiratif, mais je regrette les virages que nous n’avons pas tracés ensemble dans la neige.

 

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Peter Duncan

 

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Membre de l’équipe canadienne de ski alpin de 1960 à 1971, skieur professionnel de 1971 à 1979 et champion américain en 1965, Peter Duncan a participé aux Jeux olympiques de 1964 à Innsbruck ainsi qu’à ceux de 1968 à Grenoble. Intronisé au Temple de la renommée du ski au Canada, au Panthéon des sports du Québec et récipiendaire de la médaille du gouverneur général, Peter a longtemps été commentateur de ski à la télévision./ Peter Duncan is a Canadian former alpine skier who competed in the 1964 and the 1968 Winter Olympics. He was named to the Canadian National Alpine Team in 1960 at the age of 16 and competed at the national level for the next 10-years until 1970 before retiring.

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