La famille Prud’homme

©Courtoisie

Le nom vous est bien sûr familier ; vous pensez immédiatement au pont Prud’homme. Mais si aujourd’hui le pont se nomme ainsi, il y a toute l’histoire d’une famille derrière cette appellation.

À l’époque de la colonisation des Laurentides, ce sont les compagnies coloniales qui prennent en charge l’installation des familles et l’organisation des paroisses. Entre 1932 et 1935, ce seront 976 familles qui feront un retour à la terre dans 49 municipalités à travers le Québec. Nous parlons ici du déplacement et du changement de vie de 5 956 personnes.

C’est en 1900, après 25 ans de mariage, qu’Isidore Prud’homme et son épouse Olympe Giroux viennent s’établir à Brébeuf. Au départ, ils signent un bail doté d’une option d’achat avec un marchand de Saint-Jovite pour trois lots de terre à exploiter. Ils s’y installent avec leurs huit enfants : Isidore fils, Valérie, Alphonsine, Rosianne, Jos, Virginie, Clara et Alphonse.

En 1908, Isidore construit une fromagerie et en mars 1909, il fait l’acquisition des terres qu’il exploite depuis presque dix ans, pour la somme de 4 700 $. Soyons réalistes, cette ferme est plus grande que certains cantons suisses.

Les fermes laitières environnantes alimentent la fromagerie, mais les fermes situées sur le côté est de la rivière y font aussi transformer leur production. Isidore installe donc un chaland qui fera la navette entre les deux rives, et lorsque l’hiver s’installe, il aménage un pont de glace.

En plus de la production laitière, les ouvriers, les enfants se rendant à l’école, et aussi tous ceux qui faisaient du commerce avec les municipalités sur les rives opposées de la rivière du Diable utiliseront cette façon de traverser.

En 1913, Jos construit une maison de colon – qui existe toujours – où il élèvera ses neuf enfants.

En 1917, Alphonse achète la terre de son père ainsi que la fabrique de fromage pour la somme de 4 000 $. Récemment marié à Angélina Desjardins, le jeune couple s’y installe et élèvera six enfants : Gabriel, Gérard, Ulric, Thérèse, Suzanne et Elizabeth.

C’est en 1918 qu’Alphonse Prud’homme fait germer l’idée d’un pont pour traverser la rivière du Diable. Il s’assure de l’intérêt des riverains et une requête est rédigée. C’est chez lui, à la ferme, que se passe une consultation publique avec les huit riverains concernés du côté ouest de la rivière du Diable.

Ce qui est incroyable – selon nos standards décisionnels d’aujourd’hui –, c’est la rapidité avec laquelle la décision et l’exécution se sont déroulées. La réunion a lieu en août 1918, l’accord écrit avec l’appui financier du gouvernement du Québec est intervenu le 11 septembre, et les travaux ont commencé la première semaine d’octobre.

Le bois d’épinettes utilisé pour la construction du pont sera coupé au pied du mont Tremblant. Le transport des billots se fera par la voie des eaux – à partir du lac Tremblant, via la petite rivière Cachée se jetant dans la rivière du Diable – jusqu’à Saint-Jovite. Les billots y seront sciés selon les spécifications du plan, puis à nouveau transportés par la rivière jusqu’à la ferme Prud’homme.

C’était le temps des corvées ; tous mettaient la main à la pâte. Avec l’aide des volontaires, après six semaines de travaux, ce pont couvert sera ouvert le 11 novembre 1918. Cette même journée, on annonce la fin de la Première Guerre mondiale ; le pont s’appellera donc le pont de l’Armistice. Le tout s’est fait pour la somme de 6 000 $. Alphonse s’engage à épandre de la neige dans le pont pour permettre aux traîneaux d’y circuler l’hiver.

En 1925, Alphonse vend la terre à Harmel Perreault, mais il conserve la fromagerie et se construit une maison de l’autre côté de la rue. Il cessera les opérations de la fromagerie en 1952 avec l’arrivée de la transformation industrielle de Laiterie Saint-Jovite.

En 1943, Gérard rachète une partie de la terre et construit la maison où il élèvera, avec sa femme Rose-Anna Gauthier, ses huit enfants : Robert, Marie-Reine, Noëlla, Marc-Aurèle, Denise, Fleurent, Annick et Réjeanne. C’est en 1989 que Fleurent reprendra la ferme à vocation laitière.

Quant au pont, il changera de nom en l’honneur d’Athanase David, député, ministre puis sénateur. Ce n’est qu’en 1957, grâce à l’initiative du maire de Saint-Jovite, Fernando Paquette, que le pont sera renommé « pont Prud’homme » pour honorer cette famille pionnière qui habite, encore aujourd’hui, tout près du pont.

Au fil des générations, la famille Prud’homme a gardé une tradition ; faire une photo de famille avec le pont en arrière-plan. De nombreuses publications, commerces et entreprises ont également utilisé l’image du pont Prud’homme.

Le pont est fermé depuis cinq ans ; pourrait-il encore être utile ? Sûrement !

Demandez aux fermiers qui doivent emprunter la route 117 pour passer d’une rive à l’autre de la rivière du Diable avec leur tracteur. Demandez aux cyclistes qui en faisait une étape. Demandez aux romantiques qui adorent son charme. Demandez à tous ceux qui y voient une partie de notre héritage. Demandez à la famille Prud’homme qui habite dans ce coin du pays depuis six générations !

 

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Peter Duncan

 

Peter Duncan123 Posts

Membre de l’équipe canadienne de ski alpin de 1960 à 1971, skieur professionnel de 1971 à 1979 et champion américain en 1965, Peter Duncan a participé aux Jeux olympiques de 1964 à Innsbruck ainsi qu’à ceux de 1968 à Grenoble. Intronisé au Temple de la renommée du ski au Canada, au Panthéon des sports du Québec et récipiendaire de la médaille du gouverneur général, Peter a longtemps été commentateur de ski à la télévision./ Peter Duncan is a Canadian former alpine skier who competed in the 1964 and the 1968 Winter Olympics. He was named to the Canadian National Alpine Team in 1960 at the age of 16 and competed at the national level for the next 10-years until 1970 before retiring.

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