Desserte policière: une mobilisation sans précédent

Le dossier concernant l’avenir de la police de Mont-Tremblant a soulevé les passions et suscité l’inquiétude ainsi que l’incompréhension au sein de la population tremblantoise. Une consultation publique à ce sujet s’est déroulée en deux volets à l’école secondaire Curé-Mercure, les 1er et 2 novembre.

Plus de 750 personnes y ont participé et la totalité des citoyens ayant pu prendre la parole s’est fermement opposée au remplacement de leur service de police municipale au profit de la SQ. Près de 200 personnes ont par la suite manifesté pacifiquement sous la neige dans la soirée du 11 novembre avant d’aller s’adresser au maire et à ses conseillers.

Les citoyens ont exprimé un soutien indéfectible à leur corps de police, tant dans les conseils municipaux que dans les consultations publiques. Les inquiétudes concernant la disparition du service de proximité ainsi que le temps de réponse des policiers en cas de transfert à la SQ furent largement abordés.

La Sûreté du Québec devrait en effet assurer, à effectif quasi équivalent, le même service que la police tremblantoise sur un territoire six fois plus vaste. De très nombreux citoyens engagés dans ce dossier ont réclamé un référendum afin de faire entendre leur voix.

Éric Cadotte, agent de police impliqué dans plusieurs projets communautaires.

« Le maire Luc Brisebois a réussi là où tous ont échoué, il est parvenu à mobiliser les Tremblantois comme jamais. Depuis la fusion, nous n’avons jamais vu la population se mobiliser autant par rapport aux valeurs profondes de leur municipalité », a déclaré à Tremblant Express David Dupras, candidat indépendant lors des élections municipales de 2013.

« Je ne m’attendais pas à ce que la population nous soutienne de la sorte », confie Serge-Alexandre Bouchard, policier à Mont-Tremblant depuis 2001 et président de la Fraternité des policiers de Mont-Tremblant. « On travaille souvent dans l’ombre et les tapes dans le dos sont rares. Je crois que c’est propre à notre milieu. C’est donc d’autant plus émouvant de recevoir cette vague d’amour. C’est pourquoi je me dis que ça vaut la peine de se battre jusqu’au bout. »

Sentiment de sécurité

Grâce à des effectifs suffisants, qui sont de huit policiers le jour et six la nuit lorsqu’il n’y a pas de congé, le Service de police de Mont-Tremblant parvient à offrir un service très apprécié tout en assurant un sentiment de sécurité cher au Tremblantois. Le travail effectué en amont auprès de la communauté depuis 2001, grâce à divers programmes humanitaires, a porté fruit et s’avère être, à en croire tous les témoignages des intervenants, un véritable succès.

« J’habite dans un petit village à proximité où la police est tout simplement inexistante, indique M. Bouchard. Les policiers de la SQ sont d’excellents policiers, ils n’ont juste pas les effectifs nécessaires pour assurer une présence adéquate. Ils ne font qu’éteindre des feux, précise-t-il. Par ailleurs, le fort taux de roulement de leur organisation ne leur permet pas de s’investir dans la communauté qu’ils desservent. Il leur est impossible d’avoir le même sentiment d’appartenance que des policiers municipaux. »

« Depuis 2001, la direction municipale nous a laissé l’opportunité de bâtir quelque chose d’incroyable, poursuit M. Bouchard. Je pense à tous les projets de prévention comme le programme Servir, protéger et coacher ou le Fonds humanitaire. Ils découlent directement d’une volonté des policiers de s’investir dans leur communauté pour changer les choses. On l’a fait pour les bonnes raisons, ce qui a permis d’assurer, avec les effectifs nécessaires, un sentiment de sécurité », soutient-il.

L’argument des coûts, la patience est de mise

De son côté, la mairie parle d’une économie de 10 M$ sur 10 ans en cas de transfert à la Sûreté du Québec (SQ). Après les histoires de conflits de travail, l’aspect financier devient ainsi le fer de lance de la municipalité dans ce dossier. Soulignons qu’en vertu de la Loi sur la police, la décision d’abolir le service de police municipale sera irrévocable.

L’argument financier avancé par le maire et ses conseillers a toutefois subi de forts revers. La ministre Guilbault a tout d’abord annoncé qu’elle présenterait en décembre un nouveau Livre vert sur l’organisation policière au Québec dans lequel serait revu l’ensemble du financement des services de police de la province.

Par conséquent, les chiffres sur lesquels s’est appuyée la mairie dans son analyse comparative risquent fort de ne plus être d’actualité dans un avenir proche.

« On est en train de prendre une décision irréversible sur une situation temporaire, fait valoir M. Dupras. Que s’est-il passé pour que ça dégénère à ce point-là ? Attendons au moins de prendre connaissance du Livre vert pour prendre une décision éclairée. D’un point de vue financier, la situation de la police municipale est appelée à changer du tout au tout d’ici un an. »

Une meilleure gestion est demandée

Venu s’adresser au conseil du 11 novembre, Michel Savard, citoyen de Mont-Tremblant, a souligné pour sa part que la SQ appliquait une formule lui permettant d’ajuster sa facture selon la richesse foncière d’un territoire donné. « Ce qui n’a pas été pris en compte dans l’analyse comparative de la ville », a-t-il souligné aux membres du conseil.

Michel Savard

« La réalité, a-t-il ajouté, c’est que le coût de notre police municipale représente 18,1% de notre budget total. Bien que je sois persuadé qu’il faille absolument conserver notre police municipale, il y a beaucoup à faire dans la façon dont on gère les ressources. La moyenne de sept communautés qui pourraient ressembler à la nôtre, comme Bromont, est de 13,62%. Gère-t-on nos ressources financières adéquatement, a demandé M. Savard ?

Si on parvenait à atteindre cette moyenne, ça représenterait des économies de 2M$ par an. Prenons en compte notre caractère touristique important et disons que l’on descende cette moyenne à 15%, on économiserait 1,4M$ par année. L’information que l’on reçoit n’est pas assez précise pour nous permettre de prendre une telle décision. On a encore des devoirs à faire », a-t-il lancé sous les applaudissements du public.

Le projet RENIR

Qualifié du plus « gros bordel informatique » de la province, le projet Réseau national intégré de radiocommunication (RENIR) avait pour objectif de doter le Québec d’un réseau fiable de communication sans fil pour l’ensemble des organisations de sécurité publique et civile, notamment les policiers de la SQ.

Lucie Plourde

« Lancé en janvier 2002, ce projet devait coûter 144 millions $ au gouvernement du Québec et être pleinement opérationnel en 2008. Aujourd’hui, non seulement les coûts ont atteint le milliard, mais la SQ a suspendu sa migration depuis mars 2018 », apprend-on dans un article de Nicolas Lachance du Journal de Québec, publié en décembre 2018.

Ce point fut soulevé par Lucie Plourde, citoyenne de Mont-Tremblant, lors du conseil municipal du 11 novembre dernier. Selon les informations qu’a pu obtenir Mme Plourde auprès d’un fonctionnaire du ministère de la Sécurité publique, la facture de ce fiasco serait appelée à être répartie au sein des municipalités desservies par la SQ au prorata du kilomètre carré de leur territoire.

« Quand je lui ai mentionné qu’il sera impossible pour une grande majorité de citoyens d’assumer l’augmentation de taxes que ça pourrait générer, le fonctionnaire m’a répondu que depuis quelques années, la SQ était en mode sollicitation auprès des villes et municipalités afin de leur offrir leur desserte. ‘’Vous serez ainsi un plus grand nombre de citoyens à devoir assumer la facture ‘’, m’a-t-il dit. » – Lucie Plourde, citoyenne de Mont-Tremblant et ancienne consœur du réseau de télévision TVCL.

L’acceptation sociale

Selon le maire Brisebois, dont le rôle premier est de représenter le plus exactement possible les désirs et les opinions de ses électeurs auprès du conseil municipal, ce dossier relève d’une décision administrative. Cependant, selon la députée Chantale Jeannotte, cette décision d’abolir le corps policier municipal doit avant tout démontrer qu’il y a un appui populaire au projet de changement de desserte.

« Une municipalité qui veut se départir de son service de police doit suivre un processus établi en vertu de la Loi sur la police », explique Chantale Jeannotte, députée de la circonscription de Labelle. « Dans la décision qui devra être prise, il y a trois considérations importantes. Il est tout d’abord primordial de prendre en compte la volonté de la population, de s’assurer de la pérennité du sentiment de sécurité et d’évaluer l’aspect financier. Ce qui est fondamental en fin de compte, c’est que la demande doit faire la démonstration qu’il y a un appui populaire au projet de changement de desserte. Là est la base du message de notre gouvernement depuis le début. Enfin, je tiens à réitérer que la ministre s’est engagée à déposer un Livre vert en décembre qui sera suivi de consultations afin d’impliquer les municipalités, les services de police et la population dans une réflexion globale sur la réalité policière », appuie-t-elle.

Suite aux consultations publiques de novembre, François Lemay, président de la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec (FPMQ), a déclaré que « les élus de Mont-Tremblant doivent prendre acte du message clair et sans équivoque de la population : il n’y a pas d’acceptation sociale au projet de destruction du corps policier municipal. »

Suite aux doutes soulevés par le maire Brisebois quant à l’objectivité de cette déclaration, M. Lemay a réitéré la position de la FPMQ. « Il n’y a pas d’acceptabilité sociale au projet. Si le maire en doute, même si cette déclaration semble être faite pour diminuer la position de ses opposants, la solution la plus simple est de tenir un référendum sur la question et de prendre directement le pouls de la population.

Il n’y a pas de meilleur sondage pour valider l’opinion populaire. Nous sommes convaincus que le message qui serait envoyé dans cette consultation, où la population pourrait se prononcer de façon anonyme, confirmera notre position. »

A suivre.

Sur le même sujet, lire aussi : Une heure avec le maire.

 

Guillaume Vincent432 Posts

Rédacteur et journaliste de profession, Guillaume Vincent a fait ses armes au sein de l’agence QMI. Il s’est joint au Tremblant Express en 2014. Promu en 2017, il y assume depuis le rôle de rédacteur en chef et directeur de la publication. / A writer and photojournalist by profession, Guillaume Vincent won his stripes in the QMI agency. He joined Tremblant Express in 2014. Promoted in 2017, he has been editor-in-chief and co-publisher since then.

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