Le hululement du Grand-duc

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On le reconnaît par sa grande taille – l’envergure de ses ailes atteint 150 cm, ses yeux jaunes et sa tête ornée de longues aigrettes plumeuses. Le Grand-duc d’Amérique est présent dans tout le continent américain, depuis la limite nordique des arbres jusqu’au détroit de Magellan au sud.

Il fréquente les habitats les plus divers, forêts, marécages, prairies et zones urbaines. Son hululement profond « hou hou hou-oo-o » se fait entendre dès le milieu de l’hiver alors que l’oiseau entreprend sa saison de reproduction et cherche à attirer un partenaire.

Le grand-duc réemploie souvent les vieux nids de corbeaux, corneilles et autres oiseaux de proie, plates-formes de brindilles installées dans les arbres ou sur les falaises. Il niche aussi sur le toit des bâtiments ou directement au sol. Son unique couvée annuelle compte jusqu’à cinq œufs.

Si la nourriture est abondante, et avec un peu de chance, la plupart des petits vivront plus d’une trentaine d’années, tout en demeurant à moins de 80 km de leur lieu de naissance. Ce redoutable prédateur préfère chasser de nuit, même s’il s’active parfois durant la journée.

Bien servi par une vue perçante et une ouïe exceptionnelle, il capte aisément les mouvements dans la pénombre et détecte les sons les plus ténus. Pour compenser le fait que ses yeux restent fixes dans leur orbite, le grand-duc peut aisément scruter les alentours en tournant la tête à presque 180 degrés. Les disques de plumes qui ornent son visage concentrent les sons vers les oreilles à la manière de coupoles paraboliques.

Les aigrettes ne jouent aucun rôle dans l’audition, elles serviraient peut-être de camouflage en brisant la silhouette de l’oiseau ou de moyen de communication visuelle en exprimant son humeur. Le fait qu’elles évoquent les cornes du diable explique peut-être la réputation imméritée de mauvais esprit dont on l’affuble parfois.

Chez de nombreux peuples, le grand-duc et les autres hiboux symbolisent au contraire la sagesse et la réflexion. Le grand-duc chasse à l’affût. Perché sur une branche, il surveille le passage d’une proie, fond sur elle sans avertissement et la saisit avec ses serres longues et aiguisées.

Il lui arrive aussi d’attaquer un oiseau en vol. Ses déplacements aériens sont particulièrement silencieux. Comme la plupart des hiboux et des chouettes, le grand-duc a les pattes emplumées ; le bord d’attaque de ses ailes et l’extrémité de ses plumes dotés de minces barbules amortissent le frottement de l’air et lui permettent de voler sans bruit.

Le régime varié du grand-duc comprend non seulement des petits mammifères, campagnols, souris, écureuils, lièvres, lapins, mouffettes et d’occasionnels chats errants, mais aussi des reptiles, des amphibiens, d’autres oiseaux, canards ou gélinottes, et des insectes de grande taille. Il avale tout rond les petites proies et déchiquette les plus grosses au moyen de son bec crochu.

Les restes non digérés sont régurgités sous forme de boulettes de plumes, d’os et de poils, qu’on retrouve sous les perchoirs qu’il fréquente. L’examen de ces boulettes permet aux chercheurs d’identifier les proies consommées.

Les corneilles se font un malin plaisir de houspiller le grand-duc ce qui nous permet de localiser cet oiseau par ailleurs très discret. Depuis 1966, les populations de grand-duc ont diminué de 76 % au Canada. On attribue cette situation à l’étalement urbain et à l’agriculture intensive, responsables de la disparition des petits boisés, des clairières et des champs en friche propices à ce hibou impressionnant.

Combien d’années encore aurons-nous le plaisir d’entendre le hululement du grand-duc ?

animalium.ca

 

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Jacques Prescott

 

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Jacques Prescott est biologiste, professeur associé à la Chaire en éco-conseil de l’Université du Québec à Chicoutimi. Spécialiste de la biodiversité et du développement durable, il est l’auteur de nombreux livres et articles sur la faune et la conservation de la nature. Il nous fait l’honneur de rejoindre notre équipe de collaborateurs et signera chaque mois une chronique intitulée Faune et flore. / Jacques Prescott is a biologist, associate professor with the Chair in Eco-Counselling of the Université du Québec à Chicoutimi. A specialist in biodiversity and sustainable development, he is the author of numerous books and articles about wildlife and nature conservation. He has honoured us by joining our team of contributors and will write a monthly column entitled Wildlife and Habitat.

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