L’orignal, géant fragile

L’été caniculaire que nous avons connu a été fort éprouvant pour l’orignal. Ce géant de nos forêts supporte mal la chaleur.

Lorsque la température s’élève au-dessus des 14oC, il reste à l’ombre, passe de longues heures dans l’eau et se met à haleter pour se rafraîchir. Cela réduit sa capacité à bien s’alimenter et à constituer les réserves d’énergie dont il aura besoin pour passer l’hiver. L’automne venu, l’air plus frais et une poussée d’hormones sexuelles ragaillardissent heureusement le grand cervidé qui déploie alors ses comportements les plus spectaculaires.

Chez le mâle, le panache qui a poussé tout l’été atteint maintenant sa taille finale. Le velours vascularisé qui en a permis la croissance sèche et tombe en lambeaux. Pour impressionner ses rivaux, l’animal astique sa ramure en la frottant sur les arbres et les arbustes.

Il gratte le sol de ses sabots, urine et se vautre dans la boue pour s’imprégner d’une odeur musquée très forte qui attire les femelles et les rend réceptives. Lorsque des adversaires se croisent, ils se toisent du regard, paradent avec majesté et s’affrontent dans une joute parfois très brutale où ils entrechoquent leurs ramures et tentent de faire fuir le rival.

La femelle, de son côté, pousse de longs cris plaintifs pour attirer les mâles, examine avec attention chaque prétendant et choisit généralement le plus vigoureux, le plus odorant et le plus persistant. En effet, le mâle doit souvent suivre la femelle en chaleurs pendant plusieurs heures avant de pouvoir l’accoupler.

La saison des amours est exigeante pour les orignaux qui dépensent alors beaucoup d’énergie. Les grands mâles cessent même de s’alimenter pour consacrer tout leur temps à la reproduction. Certains, amaigris et épuisés, auront du mal à passer l’hiver.

Les changements climatiques ont un impact certain sur l’orignal. Les étés plus chauds l’accablent, les tiques de plus en plus nombreuses envahissent son pelage, lui font perdre son poil et réduisent sa capacité à affronter le froid hivernal.

Les cerfs de Virginie, dont les populations progressent vers le nord, envahissent son territoire emportant avec eux le ver des méninges, un parasite mortel pour l’orignal. À la fin du 19e siècle, seules des mesures de protection drastiques ont permis de sauver les populations d’orignaux menacées par la chasse excessive dont elles étaient l’objet. De nos jours, c’est la pollution par les gaz à effet de serre qui menace le cheptel.

Jacques Prescott est biologiste, spécialiste de la biodiversité et du développement durable. Il est co-auteur du livre «Sur la piste de nos cervidés : orignal, cerf de Virginie, caribou» publié aux Éditions Orhina dans la collection Nature Sauvage. Il est aussi co-fondateur de l’Animalium.

 

Du même auteur : Le dindon sauvage (Cliquez sur l’image)

 

Jacques Prescott131 Posts

Jacques Prescott est biologiste, professeur associé à la Chaire en éco-conseil de l’Université du Québec à Chicoutimi. Spécialiste de la biodiversité et du développement durable, il est l’auteur de nombreux livres et articles sur la faune et la conservation de la nature. Il nous fait l’honneur de rejoindre notre équipe de collaborateurs et signera chaque mois une chronique intitulée Faune et flore. / Jacques Prescott is a biologist, associate professor with the Chair in Eco-Counselling of the Université du Québec à Chicoutimi. A specialist in biodiversity and sustainable development, he is the author of numerous books and articles about wildlife and nature conservation. He has honoured us by joining our team of contributors and will write a monthly column entitled Wildlife and Habitat.

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