Les oubliés: Charles-Hector Deslauriers

Charles-Hector Deslauriers : l’ange gardien du coin

Parmi les pionniers de la région, il serait dommage de passer sous silence la contribution du curé Charles-Hector Deslauriers. Ordonné en 1925, il est nommé curé fondateur de Mont-Tremblant le 21 juillet 1929.

À son arrivée dans les Hautes-Laurentides, il constate que les terres sont abandonnées et impropres à l’agriculture. De vastes territoires sont rasés par l’industrie du bois.

Ce sont les années de la crise économique; dans quelques semaines, on parlera de la grande dépression.

Dès son arrivée, il est remarqué pour son dévouement, son dynamisme et son implication dans la communauté. Il est conscient que l’industrie du bois ne peut suffire à relancer l’économie de la région et lorsqu’il fait la rencontre de Joe et Mary Ryan, il voit se dessiner une opportunité pour sa paroisse.

L’homme d’affaires

Soulignons que le premier ministre de l’époque, Maurice Duplessis, voyait d’un mauvais œil l’arrivée de Joseph Ryan, ce riche américain qui voulait non seulement se bâtir un terrain de jeu, mais lui demandait en plus de céder une partie du parc national pour le faire.

Ryan invita le curé Deslauriers à se joindre à lui pour une rencontre avec le premier ministre, dans le but de témoigner de l’importance du projet du centre de villégiature et des répercussions économiques qu’il aurait sur toute la région.

Le curé fut à ce point éloquent et convaincant que le premier ministre accorda rapidement les documents et les permis d’exploitation. Ce fut le début d’une belle amitié entre la famille Ryan et le curé Deslauriers.

Le concours d’embellissement

Mary Ryan et lui partageaient une grande passion pour l’horticulture. Le curé voulait donner à ses paroissiens un sentiment de fierté et d’appartenance; il créa donc un concours d’embellissement ou chacun pouvait soumettre à un jury leurs jardins fleuris.

Il faut dire qu’à l’époque, on ne se souciait guère de son parterre. On avait d’autres priorités. Le concours suscita tout de même de l’intérêt.

Les gagnants étaient photographiés et apparaissaient dans le journal local. Il s’agissait d’une saine compétition et les gens étaient fiers.

Le reboisement

Mais le curé Deslauriers ne se souciait pas uniquement des fleurs de jardin. Il s’inquiétait de la disparition de notre belle forêt laurentienne. Il mobilisa les efforts et la bonne volonté de la région dans la mise en œuvre d’un vaste programme de reboisement.

On peut encore en voir les effets, le long de la montée Ryan, alors que les plantations d’arbres longent la rivière du Diable et les terrains de golf.

En 1939, l’Association forestière québécoise lança un appel à tous ceux qui désiraient se consacrer à l’éducation populaire dans le domaine forestier.

L’Abbé Deslauriers s’intéressait au mouvement et croyait qu’il était important d’y impliquer les jeunes. En mai 1952, il est nommé officiellement conseiller des clubs 4H à Mont-Tremblant. Le club se trouvait au lac Moore et tous les garçons de ma génération en faisaient partie.

Le pragmatique

À cette époque, je vivais l’été avec mes parents dans une des petites maisons derrière la chapelle Saint-Bernard et j’habitais au versant nord l’hiver venu.

Le curé désirait que je devienne enfant de chœur, ainsi, il ne serait pas nécessaire de faire appel à un garçon du village. De plus, je serai disponible les dimanches et les jours saints.

L’idée ne m’enthousiasmait guère. En grande partie parce que le temps passé à la chapelle était du temps de moins sur les pistes de ski.

Le curé Deslauriers me proposa un deal; je pourrai porter mes bottes de ski sous la soutanelle et ainsi me retrouver rapidement sur les pistes. Marché conclu!

Le premier dimanche de ma nouvelle carrière de servant de messe, la chapelle, comme d’habitude, était pleine craquer. Ma mère et Mary Ryan étaient assises fièrement à la première rangée. Tout allait très bien jusqu’au moment où je dus apporter les burettes et monter quelques marches.

Ce qui devait arriver arriva; je trébuchai dans les marches, m’empêtra dans ma soutanelle et m’allongea de tout mon long après avoir renversé les burettes sur la soutane blanche du curé.

Celui-ci conserva son calme et poursuivit la cérémonie. Ma mère et Mary Ryan avaient la tête sur les genoux. Après la messe, il invita les deux femmes dans la sacristie et, sans sourciller, leur dit qu’il serait préférable que je me concentre sur l’école et le ski.

La bénédiction des skis

La tradition voulait qu’au début de chaque hiver, les filles et les garçons se rendent à la chapelle pour faire bénir leurs skis, et le curé s’assurait que personne ne manque à l’appel. Il organisait aussi, quelques fois par saison, des journées de ski pour les enfants du village.

Tout au long de ma carrière de skieur alpin, avant mon départ pour l’Europe, j’allais voir le curé Deslauriers au presbytère pour la bénédiction d’une paire de skis qui se trouvaient dans mon grand sac. J’espérais qu’à leur contact, tous mes autres skis seraient également bénis.

Cet homme fut un lien important entre les résidents du village et les touristes. Un pont entre le village et la montagne. Les hommes l’appréciaient, les femmes le trouvaient accessible et les enfants l’admiraient.

Tous, nous le respections. Charles-Hector Deslauriers est décédé le 23 avril 1979, à 81 ans. Il aura guidé les âmes de ses paroissiens pendant 50 ans et contribué à faire de Mont-Tremblant la destination prisée que l’on connait aujourd’hui.

 

Du même auteur : Mary Ryan, pionnière de Tremblant (Cliquez sur l’image)

 

Peter Duncan123 Posts

Membre de l’équipe canadienne de ski alpin de 1960 à 1971, skieur professionnel de 1971 à 1979 et champion américain en 1965, Peter Duncan a participé aux Jeux olympiques de 1964 à Innsbruck ainsi qu’à ceux de 1968 à Grenoble. Intronisé au Temple de la renommée du ski au Canada, au Panthéon des sports du Québec et récipiendaire de la médaille du gouverneur général, Peter a longtemps été commentateur de ski à la télévision./ Peter Duncan is a Canadian former alpine skier who competed in the 1964 and the 1968 Winter Olympics. He was named to the Canadian National Alpine Team in 1960 at the age of 16 and competed at the national level for the next 10-years until 1970 before retiring.

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Michel Normandeau

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