Les oubliés : Joachin Chartrand

Né le 18 août 1893, Joachin Chartrand, charretier de métier, devint employé de Station Mont Tremblant en 1947. Dès le début, on lui assigna le versant nord, où il demeurera jusqu’à son départ, en 1964.

Il arriva à Mont-Tremblant à dos de cheval, sur sa propre monture. Il fut engagé sur-le-champ. On lui alloua un petit chalet de bois rond situé au bas de la Sissy Schuss, à 100 mètres du télésiège de l’Expo. Il devint donc mon voisin, puisque nous vivions, mes parents et moi, à l’hôtel Devil’s River Lodge, juste derrière le camp de M. Chartrand.

Laissez-moi vous le décrire. Pas très grand, air taquin, homme de peu de mots; il était fier, fiable et généreux. Père de 6 filles et de 4 garçons, il aimait les enfants et évidemment, je me sentais bien en sa compagnie.

Il faut vous rappeler qu’à l’époque, le versant nord était très isolé et qu’il y avait là l’été plus d’ours que d’humains. Petit garçon, mes parents me surveillaient constamment lorsque je jouais dehors, de peur que je me fasse attaquer par les ours. M. Chartrand avait ajouté cette responsabilité à ses tâches. Une autre paire d’yeux veillaient sur moi.

Nez à nez

À cet effet, j’ai appris récemment que Rocco, ce sympathique compagnon que je croyais être mon chien, était en fait le chien de M. Chartrand. La nuit, lorsqu’un ours rodait, Rocco grondait et, le nez collé sur la fenêtre de ma chambre, captivait l’attention de l’ours qui lui aussi grognait nez à nez avec Rocco.

Avec pour seule protection la vitre de la fenêtre, je me levais doucement pour en aviser mon père. En silence, celui-ci enfilait son pantalon et, éclairé par le clair de lune, visait l’ours de son fusil pour l’abattre.

Le lendemain, à la première heure, M. Chartrand qui avait entendu le coup de feu se présentait à la maison pour aider mon père à transporter l’ours chez un taxidermiste.

Comme un ange gardien

S’il arrivait que mes parents s’absentent, c’est lui qui me gardait. Et c’était loin d’être une pénitence. M. Chartrand faisait les meilleures fèves au lard du monde et je m’en délectais. D’ailleurs, à ce propos, j’en mangeais tellement que je n’avais plus d’appétit au moment des repas. Ma mère, inquiète, fit sa petite enquête pour découvrir que je ne mourrais pas de faim, loin de là. Le soir venu, comme un ange gardien, afin de me protéger et me rassurer, M. Chartrand couchait sur le sol devant l’unique lit du petit chalet; il ne pouvait rien m’arriver.

Infatigable M. Chartrand

N’oublions pas que M. Chartrand travaillait très fort. L’été, il était responsable de l’entretien des bâtisses. Il s’assurait que tout soit en parfait état et l’hiver, il avait la responsabilité d’alimenter les fournaises qui, à l’époque, fonctionnaient au charbon. Menant son cheval et un large traîneau, précis comme une montre suisse, il passait chaque 2 h 30 avec ses chaudières remplies de charbon, et ce, 24 h sur 24.

Il dégageait tous les sentiers devant l’hôtel et les chalets et enlevait également la neige sur les toits de tous ces bâtiments. Travaillant comme pas un, toutes tâches supplémentaires étaient exécutées immédiatement.

Un exemple à suivre

Je n’ai que de bons souvenirs de M. Chartrand. Aujourd’hui, avec le recul, je réalise que loin de sa famille la semaine, il s’ennuyait de ses enfants et que d’une certaine façon, je jouais un rôle de substitut. Quoi qu’il en soit, je me sentais comme l’un des siens et en suivant son exemple, j’ai appris le respect de tous ceux qui nous entourent. Avec son humilité et sa tendresse, il a rempli une partie importante de ma vie.

Merci M. Chartrand.

 

Du même auteur : Les oubliés: Arthur Robert (Cliquez sur l’image)

 

Peter Duncan123 Posts

Membre de l’équipe canadienne de ski alpin de 1960 à 1971, skieur professionnel de 1971 à 1979 et champion américain en 1965, Peter Duncan a participé aux Jeux olympiques de 1964 à Innsbruck ainsi qu’à ceux de 1968 à Grenoble. Intronisé au Temple de la renommée du ski au Canada, au Panthéon des sports du Québec et récipiendaire de la médaille du gouverneur général, Peter a longtemps été commentateur de ski à la télévision./ Peter Duncan is a Canadian former alpine skier who competed in the 1964 and the 1968 Winter Olympics. He was named to the Canadian National Alpine Team in 1960 at the age of 16 and competed at the national level for the next 10-years until 1970 before retiring.

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Michel Normandeau

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