La toponymie autochtone

© Gary Yee

Un très bref survol d’une notion complexe et riche  

Nommer un territoire, un pays, c’est se l’approprier. Lors de notre rencontre récente avec l’ex-grand chef algonquin Dominique Rankin, nous lui avions candidement demandé si le fait de redonner vie à la toponymie autochtone serait un pas dans la voie de la réconciliation. Un grand sourire avait illuminé son visage en termes de réponse.

Pour faire simple, disons que la toponymie est la science des noms de lieux. La toponymie québécoise s’abreuve à trois sources : le français, l’anglais et les langues autochtones (Abénaquis, Algonquins, Atikamekw, Cris, Hurons, Inuits, Malécites, Micmacs, Mohawks, Montagnais et Naskapis) qui ont fourni plus de 10 000 toponymes soit 9,6 % de la nomenclature établie par la Commission de toponymie du Québec en 1993.

Les noms de lieux autochtones reflètent la connaissance du milieu ou d’autres évènements concernant les animaux, les humains ou les ancêtres. La toponymie est donc une richesse et un héritage patrimonial qui permet d’interpréter les relations que les humains entretiennent avec un territoire.

Nomadisme et toponymie

Les nomades qui vivaient dans la tradition orale utilisaient des termes descriptifs pour échanger l’information sur les lieux et les itinéraires. Par exemple, Abitibi signifie « là où les eaux se divisent », Kiamika est le « rocher escarpé » et Québec est situé « là où le cours d’eau se rétrécit ».

Les Autochtones utilisaient des milliers de noms pour désigner les lieux qu’ils fréquentaient. Plusieurs de ces noms sont encore utilisés par les autochtones eux-mêmes, mais n’ont jamais été inventoriés. Transmis oralement, ils ont été consignés par des cartographes ignorant la langue d’origine, reproduits et orthographiés souvent de façon approximative ou fautive.

La Commission de toponymie a pris comme engagement de faire connaître et de mettre en valeur le patrimoine toponymique autochtone. À ce jour, plus de 1 800 noms de lieux autochtones et inuits traditionnels, qui ne sont pas officiels et qui n’ont jamais été diffusés en ligne, ont été versés dans la Banque de noms de lieux du Québec.

Les toponymes autochtones

Certains mots se sont imposés et camouflés dans notre langue, mais pas dans leur graphie d’origine. Par exemple, Canada, d’origine iroquoise qui signifie village, Oka qui est le doré et Mascouche le petit ours. Nominingue, peinture rouge ou vermillon, est une allusion iroquoise à un type de craie rouge de la région utilisée pour se peindre le corps.

Plusieurs mots continuent de nous enchanter par leur sonorité musicale : Kiamika, rocher escarpé ; Ouareau, au lointain ; Windigo, esprit surnaturel. Sans oublier plus au nord ces majestueux territoires dénommés Baskatong, Témiscamingue et Cabonga.

Certains termes n’ont pas survécu comme Manitonga Soutana, la montagne des esprits qui désigne le plus haut sommet de la région, un important lieu de passage où se déroulaient plusieurs cérémonies. Selon la légende, les Algonquins (Anishinabé) croyaient que l’Esprit faisait trembler la montagne lorsque l’on perturbait la nature. En réalité, c’est peut-être l’écoulement des eaux sur les flancs de la montagne qui provoquait cette impression de tremblement pour les personnes couchées sur le sol. La dénomination mont Tremblant reflète cette légende.

Une autre appellation disparue est l’ancien nom de la municipalité de Labelle qui a été pendant une période Chuteaux- Iroquois, un rappel aux Iroquois qui se seraient noyés dans les rapides de la rivière Rouge.

Plus récemment, une réserve écologique à proximité de Sainte-Agathe-des-Monts a été dénommée Jackrabbit. Ce nom rappelle l’ingénieur norvégien Herman Smith Johannsen (1875 – 1987), pionner du ski de fond dans les Laurentides, qui a ouvert dans les années 30 la piste Maple Leaf reliant le mont Tremblant à Shawbridge. Il était si habile à ski entre les arbres de la forêt que les Cris l’avaient surnommé Wapoo, c’est-à-dire Lièvre ou Jackrabbit en anglais.

Les langues des Premiers Peuples ont laissé un héritage notable. Mais la situation actuelle est-elle acceptable, faut-il en faire davantage afin de mettre en valeur la culture et la présence autochtone ? Serait-ce l’un des moyens de réconciliation ?

 

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Daniel Gauvreau

 

Daniel Gauvreau80 Posts

Récréologue et journaliste de formation, tour à tour organisateur, formateur, consultant, chroniqueur et traducteur dans le milieu du plein air, Daniel Gauvreau est passionné d’activité physique en extérieur. De retour d’un périple au Québec et en France, il a choisi les Hautes-Laurentides pour satisfaire son amour de la nature. Semi-retraité, moniteur de ski de fond à SFMT, son expérience profite désormais aux lecteurs de Tremblant Express. Recreation professional and journalist by education, organizer, trainer, consultant, columnist and translator about the outdoors by experience, Daniel Gavreau is passionate about physical activity outside. Following a trip through Québec and France, he chose the Hautes-Laurentides as the place to satisfy his love of nature. Semi-retired and teaching cross-country skiing with SFMT, he now offers his experience to Tremblant Express readers.

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