Il était une fois dans l’Est

© Benjamin Gagnon Photo

Au cours de l’hiver québécois, long et terriblement froid, il arrive que les mordus du ski hors-piste se mettent à songer aux majestueuses montagnes de l’arrière-pays et à sa neige profonde. Ces rêves se concentrent inévitablement vers l’Ouest canadien – paradis de la poudreuse – et plus spécifiquement vers l’univers des massifs montagneux de la Colombie-Britannique, des Rocheuses et de la chaîne Côtière.

 

Mais les temps ont changé. Un nouveau joueur vient maintenant faire compétition à la poudreuse de l’Ouest canadien : les Chic-Chocs.

 

La chaine de montagnes de la péninsule gaspésienne n’offre peut-être pas les hautes altitudes des montagnes de l’Ouest, mais détrompez-vous : bien que le sommet des Chic-Chocs dépasse à peine les 1 200 mètres, le ski qu’on y pratique s’avère des plus intense. Un dénivelé de 350 mètres pour une sortie de randonnée alpine, c’est bien assez, non ? Et saviez-vous que « Chic-Choc » signifie « barrière impénétrable » en amérindien ? Ces montagnes massives, sauvages, désertées et érodées par la violence des vents offrent une splendide scène de désolation.

 

L’abondance des précipitations étant l’une des bénédictions de la région gaspésienne, le secteur reçoit souvent plus de sept mètres de neige annuellement. Grâce à sa latitude nord, un refroidissement atmosphérique persistant fait en sorte que l’enneigement perdure jusqu’à la fin du printemps. Et si la pluie n’est pas improbable, elle vient rarement brouiller les pistes.

 

Candidate à priori improbable, Murdochville joue un rôle central dans la pratique du ski de la région. Récit classique nord-américain, la ville connut la prospérité puis l’effondrement. Au 20e siècle, l’extraction de minerai de cuivre apporta croissance et prospérité, mais la fermeture de la mine à la fin du siècle transforma Murdochville en village fantôme.

 

La venue du ski hors-piste vint sauver l’économie locale, du moins en partie. Il y a 10 ans, le Chic-Chac ouvrait ses portes, attirant les touristes en quête de poudreuse. « Au début, on avait seulement quelques motoneiges », raconte Alexys Houle-Roy, directeur des opérations de l’entreprise. Auberge modeste à l’ambiance festive, le Chic-Chac offrit d’abord des activités de plein air, puis développa le ski en chenillette et l’héliski, donnant la possibilité de pratiquer la rando alpine aux monts York et Porphyre, des montagnes voisines. Une troisième, plus isolée, le mont Lyall, complète maintenant le forfait bien ficelé que propose le Chic-Chac.

 

Au mont Porphyre, selon Houle-Roy, le Chic-Chac a su profiter de l’héritage minier du secteur : ce dernier ayant légué un immense champ ouvert, les skieurs ont la sensation de flotter au-dessus des arbres. Au mont York, l’entreprise ajouta sa touche personnelle, bâtissant des plateformes que les skieurs utilisent comme tremplins pour réaliser des sauts de près de 10 mètres – on se croirait dans un gigantesque parc sauvage.

 

Et tout récemment, le Chic-Chac ajouta le mont Miller à son palmarès, une petite station dotée d’une remontée unique de type « T-Bar ». Cette dernière étant rarement en opération, la randonnée alpine devient l’option privilégiée – grimper avec des peaux d’ascension, puis s’éclater en poudreuse en descente.

 

© Benoit St-Amant

D’une certaine façon, Murdochville est devenue la porte d’entrée des Chic-Chocs donnant accès à un imposant territoire. L’abondance de terrain se consomme de plusieurs façons ; du séjour quatre étoiles au forfait minimaliste.

 

D’un côté du spectre, on retrouve l’Auberge de montagne des Chic-Chocs. Éloignée, perchée sur une crête au cœur de l’arrière-pays gaspésien, on s’y rend uniquement en fourgonnette à chenilles depuis Sainte-Anne-des-Monts.

 

Croyant laisser derrière le confort douillet de la civilisation, vous vous enfoncez dans le fin fond des bois, à la merci du rude hiver gaspésien. Arrivé sur place, la civilisation revient en grande pompe : pas de télé, certes, mais l’endroit se compare à un hébergement spacieux de Tremblant ou même de Montréal. Bouffe savoureuse, commodités tout confort, et service attentionné.

 

Une fois la porte franchie, la nature sauvage s’étend à perte de vue. Selon le photographe Benjamin Gagnon, un habitué des Chic-Chocs, bien que le domaine skiable peut sembler limité, il offre amplement de possibilités pour susciter l’intérêt des skieurs, épaulés de guides professionnels, pour un séjour de trois ou quatre jours.

 

Mais si découvrir l’arrière-pays en formule de luxe n’est pas votre truc et qu’une expédition en nature sauvage se doit de susciter un minimum d’introspection, l’expérience plus épurée que propose la coopérative Vertigo Aventures vous parlera sûrement davantage. Après un trajet de 35 kilomètres en motoneige, vous arrivez au site d’hébergement : un campement de yourtes, en plein cœur de la réserve faunique de Matane. « On se sent complètement perdu au milieu de nulle part, confie Benjamin Gagnon. En fait, si vous vous sentez perdu, c’est parce que vous l’êtes ! »

 

Les guides de Vertigo vous feront découvrir des faces alpines vertigineuses, des falaises escarpées, des sous-bois et de la poudreuse profonde procurant l’impression de flotter dans les montagnes de l’Ouest. Du gros ski, quoi ! Et une fois la journée achevée, l’isolement et l’ambiance intime des yourtes procurent un sentiment satisfaisant de « victoire face aux éléments. »

 

Finalement, vous pouvez aussi expérimenter les Chic-Chocs de façon autonome, sans encadrement ni guide. Ayant opté pour cette formule, Benoit St-Amand, un randonneur alpin aguerri, a donc mis le cap sur la Haute-Gaspésie, flanqué d’un groupe de jeunes protégés, pour une virée gaspésienne de quelques jours.

 

Ils louèrent un chalet, établirent des itinéraires journaliers à l’aide d’un guide des Chic-Chocs publié par Avalanche Québec – le bouquin couvre 3 500 kilomètres carrés de terrain – et vérifièrent quotidiennement les bulletins d’avalanche sachant que les erreurs ne pardonnent pas dans de tels secteurs. Compte tenu du nombre de possibilités sécuritaires qu’offre le terrain, il n’y aucune raison de s’aventurer en terrain instable.

 

En somme, c’est le Far West de la côte Est. Alors, rassemblez votre équipement de rando, sautez dans la voiture, ajustez votre GPS et préparez-vous à goûter aux conditions rêvées de la Gaspésie.

Peter Oliver9 Posts

Journaliste et éditeur depuis – selon ses dires – bien trop longtemps, Peter verra son travail publié dans de nombreuses publications majeures en Amérique du Nord, notamment en tant qu'auteur prolifique pour Skiing magazine dans les années 1980 et 1990. Il est l'auteur de sept livres sur le ski, le vélo et les voyages outre-mer. Skieur depuis l'âge de sept ans, il est venu skier à Tremblant pour la première fois avec sa famille en 1964. Aujourd'hui, il enseigne le ski de fond à Ole's Cross Country Centre, près de sa maison dans la vallée de la rivière Mad, au Vermont. / Peter Oliver’s work has appeared in numerous major publications in North America, most notably as a prolific writer for Skiing magazine in the 1980s and 1990s. He is the author of seven books on skiing, cycling, and international travel. He has been a skier since the age of seven, and first came to Tremblant on a ski vacation with his family in 1964. Today, he spends more time cross-country skiing than downhill skiing, and teaches cross-country, skate skiing in particular, at Ole’s Cross Country Center near his home in Vermont’s Mad River Valley.

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