Erik Guay, papa taxi et entraîneur personnel

© Tremblant Express

 

C’est ce qu’on appelle faire contre mauvaise fortune bon cœur. Exclu des Jeux olympiques de Pyeongchang et du Cirque blanc en raison d’un problème au dos, Erik Guay profite d’un rare hiver auprès des siens, à Mont-Tremblant, pour jouer à temps plein son rôle d’époux, de papa, de chauffeur de taxi et d’entraîneur personnel. D’abord, réglons une chose : si Erik goûte pleinement son statut inattendu et involontaire de mortel, d’homme-comme-tout-le-monde-qui-fait-l’épicerie, assister à distance aux épreuves de vitesse de ski des Jeux ne s’est pas fait sans un pincement au cœur.

« J’ai trouvé ça tough. Je pensais pas que je serais affecté comme ça. J’avais envie d’y être… Je regardais Svindal au départ (Axel Lund, le gagnant de la descente) et je me voyais à sa place. Je savais à quoi il pensait et ce qu’il allait vivre », a raconté le champion skieur, l’étincelle dans les yeux, au cours d’un long et généreux entretien accordé au Tremblant Express.

Il y a aussi eu ces autres disciplines qu’il a regardées avec ses filles (9 ans, 5 ans, 3 ans et 4 mois), chose qu’il n’avait jamais faite en leur compagnie jusqu’ici.

« C’était l’fun. J’essayais de les faire vibrer pour le Canada. On a notamment regardé les bosses avec Mikaël Kingsbury. Les filles étaient contentes quand il a gagné. »

 

Skier avec ses enfants

Sinon, comment se passe ce premier hiver à Mont-Tremblant depuis des lustres ? « J’ai déjà passé un hiver ici quand j’étais blessé, mais j’étais vraiment hypothéqué et je ne pouvais pas skier avec mes enfants. Là, je peux le faire, je peux aller glisser, je peux faire des activités avec elles. C’est l’fun. Je dois juste ne pas me pencher, sinon, le mal de dos revient ».

Comme bien d’autres parents, Erik découvre les joies du métier de chauffeur de taxi avec des enfants qui grandissent. « Je me promène entre les cours de danse, de gymnastique, de ski, ça me garde pas mal occupé », admet-il dans un éclat de rire.

Et le skieur bénit le ciel d’être ici pour assister à l’éclosion d’une passion chez sa fille ainée, Logan, 9 ans.

© Gary Yee

« Elle ne semblait pas particulièrement intéressée au ski jusqu’ici. Elle préférait la danse et la gymnastique et ça m’allait très bien. Je ne sais pas au juste ce qui est arrivé, mais elle a décidé du jour au lendemain qu’elle voulait commencer la compétition de ski cette saison. »

Peut-être Logan est-elle tombée dans la marmite quand elle était petite, avec un père, des oncles et des grands-parents paternels qui, au quotidien, ont skié l’essentiel de leur vie ? Toujours est-il que le nouvel intérêt de la jeune fille n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd.

 

La dictée dans les télésièges

On peut apercevoir, depuis quelques semaines à Station Mont Tremblant, un formidable skieur accompagner une jeune fille qu’il chouchoute de conseils, à qui il fait réciter ses dictées et ses tables de multiplication dans les remonte-pentes. Logan est prévenue : ce régime spécial de ski en semaine ne durera que si les résultats scolaires sont au rendez-vous.

« Je me fais un peu taper sur les doigts à l’école. Mais c’est le temps pour un enfant à 9 ans de commencer le ski sérieusement s’il aime ça. Les notes de Logan sont bonnes et elle va pouvoir skier la semaine si ça continue. »

L’athlète assure qu’il a le souci de ne pas « forcer » l’intérêt de sa fille pour son sport de prédilection. « Il faut que ça vienne d’elle, et je serai là pour la soutenir et lui faciliter les choses si c’est le cas. Sinon, c’est pas plus grave que ça. »

En fait, Erik met en pratique avec sa fille ce qu’il souhaiterait voir dans les programmes de développement des jeunes skieurs. S’il écarte l’idée d’éventuellement s’impliquer au niveau national, il ne dit pas non à un engagement local à Tremblant.

« Aucune raison ne peut expliquer que nous n’ayons pas développé des champions de façon régulière au Canada. Nous ne sommes pas assez efficaces avec nos programmes. C’est un non-sens que les jeunes s’entraînent les week-ends alors qu’il y a autant de monde dans les stations. Quand on skie en semaine, il n’y a pas un chat, on n’a pas de difficulté à avoir des pistes pour s’entraîner. Pourquoi ne pas skier la semaine et étudier les fins de semaine ? Quand c’est l’hiver, il faut skier. C’est aussi simple que ça. »

 

Le plan de match

Pour la suite des choses, Erik garde le même plan de match malgré sa mise au rancart hivernale : si son dos tient le coup, il poursuivra sa carrière jusqu’aux Championnats du monde, en février 2019, à Åre, en Suède, pour y défendre ses titres de champion du monde de Super G et de vice-champion de descente.

Le grand test aura lieu au cours de camps de ski estivaux, probablement à Zermatt et au Chili. « Je vais aller skier là-bas, je veux voir si ça m’intéresse encore et si je suis compétitif. Je vais prendre ma décision par la suite. » Et son plan B?

« Je n’ai pas vraiment de plan B, à part être papa à temps plein. Pour l’instant, je veux rester concentré sur ma carrière, je ne veux pas dépenser d’énergie sur autre chose avant d’être rendu au moment de prendre une décision sur mon avenir. »

Qu’en est-il des doses d’adrénaline – qui risquent fort de lui manquer – lorsqu’il abandonnera les épreuves de haute voltige de la descente et du Super G ?

« Piloter un avion. J’y retrouve un peu ce que j’éprouve en ski. Il faut être super concentré, parfois, le cœur te manque un tour, on louvoie entre les arbres pour se poser. C’est spécial comme sensation », termine-t-il.

 

Alain Bisson47 Posts

Journaliste depuis plus de 30 ans, Alain Bisson a débuté sa carrière au Journal de Montréal à titre de journaliste à l'économie. Au cours des dernières années, Alain fut également directeur du pupitre et directeur des contenus week-end à La Presse. / A journalist for more than 30 years, Alain Bisson began his career at the Journal de Montreal as a journalist covering economics. In recent years, Alain was also weekend content director and bureau chief for La Presse.

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