À la manière de Tony O’Keeffe – Exercer son jugement

©Tremblant Express

Pour les triathlètes, le championnat du monde Ironman à Kona, Hawaï, est l’événement le plus important de la saison – le Saint Graal – la coupe Grey du triathlon. C’est à Kona qu’il faut être le deuxième dimanche d’octobre. Les athlètes qui prennent part à la compétition à Kona, LA journée la plus pénible dans le monde du sport, sont du nombre des personnes les plus en forme sur la planète. C’est de ça dont sont faits les rêves.

Mon vieil ami – nous l’appellerons Doug – s’est retrouvé à la poursuite de l’inaccessible Kona Q. Doug était un excellent coureur, avec une belle fluidité. Pendant plusieurs saisons, il s’est efforcé, avec détermination, à améliorer ses performances à la nage et à vélo; mais sa force, c’était la course.

Doug avait l’intention ferme de se qualifier pour le Ironman Canada 1998. Nous avions convenu de nous retrouver chez Sicamous, lieu culte et célèbre point de rencontre durant la semaine de compétitions du Ironman Canada. Il semblait en forme et plein d’énergie. Malheureusement, l’été 98 fut, de mémoire d’homme, l’un des plus chauds, et un nombre record de participants, dont Doug, ne terminèrent pas l’épreuve. Doug avait succombé à la chaleur accablante, et quelque part sur le parcours de vélo, il avait décidé de se retirer de la course. Aussitôt arrivé à T2, il rendit sa puce de chronométrage. À peine 20 minutes plus tard, Doug s’était ressaisi et était prêt à repartir. La force de Doug, c’était la course, et étant donné le grand nombre d’athlètes qui avaient abandonné ce jour-là, il aurait pu revenir dans la course et triompher. Si seulement il s’était accordé un peu plus de temps à T2… C’était la pensée qui hantait Doug.

Cette décision lui laissa un goût amer qui persista tout au long du long et froid hiver suivant. Il prit l’engagement de tenter sa chance pour le Kona Q en 1999. Il s’entraîna avec un seul but en tête, et le souvenir de sa mauvaise décision de l’année d’avant lui servait de carburant pour poursuivre sa mission. Avançons en août 1999, soit à la semaine de compétitions, où j’ai de nouveau retrouvé Doug au Sicamous. Il avait la confiance d’un flingueur. Il avait ses billets d’avion pour Kona, et son condo avait été réservé et payé. Il ne lui restait qu’à se qualifier.

À peine rendu aux deux tiers du parcours, Doug s’arrêta à une toilette portative en bordure de la route. Souffrant d’hypoglycémie, il réussit à sortir de la toilette en remettant avec peine son short moulant de triathlon. Avec l’allure d’un lutteur amoché, Doug se dirigea directement vers les autres cyclistes qui arrivaient et se fit frapper – solidement. La journée de Doug venait, lamentablement, de se terminer. Encore une fois.

Mais l’histoire ne se termine pas là. Étant donné que Doug avait des billets d’avion et une réservation pour un condo, il décida de les utiliser pour prendre des vacances. Pourquoi pas? Doug allait finalement se rendre à Kona pour assister, et non pas prendre part, à la plus grande compétition dans ce sport. Selon son itinéraire de voyage, il devait passer quelques jours à Honolulu avant de s’envoler pour Kona. Il s’inscrivit donc pour participer à un triathlon sprint à Honolulu. Le matin de la course, il se rendit à l’endroit où devait se faire la transition, mais ce qu’il ne savait pas, c’est que la course avait été annulée en raison du faible nombre d’inscriptions. En plus de cela, une tempête tropicale venait de traverser la région et d’inonder certains secteurs. Doug n’avait pas été le seul à se présenter le matin de la course. Il y avait une poignée d’âmes intrépides qui n’avaient pas non plus été avisées que la course avait été annulée. Alors Doug et ses nouveaux compagnons décidèrent de faire le parcours ensemble. Chaque membre du groupe sortit de l’eau, enfourcha son vélo et se dirigea vers le parcours de vélo non balisé. Alors que Doug descendait une route achalandée, sa roue avant glissa sur la chaussée mouillée et il alla violemment s’étaler sur l’asphalte. Résultats : une clavicule fracturée, un coude fracassé, et de méchantes éraflures un peu partout. Comme Doug n’avait pas d’assurance maladie aux États-Unis, on lui fit des bandages, et c’est en boitant qu’il arriva à l’aéroport pour prendre un vol pour revenir chez lui au Canada. Doug n’a jamais pu voir Kona, sauf du haut des airs, à 20 000 pieds d’altitude, du hublot de l’avion où il prenait place, enveloppé comme une momie et à se demander encore comment tout cela avait bien pu arriver. C’est comme dans la chanson de Kenny Rogers, « Tu dois savoir quand partir… et savoir quand courir ». Exercer son jugement est important.

Tony O'Keeffe39 Posts

Tony O’Keeffe a réalisé son lot de défis sportifs. Détenteur des titres de champion du monde dans sa catégorie d’âge du Ironman 70.3 et du Ultraman Kona Hawaï, il a complété plus de 30 Ironman avec multiples podiums et six premières places dans sa catégorie d’âge, neuf Championnats du monde Ultraman en plus de trois RAAM (Race Across America). / Tony O’Keeffe has succeeded at more than his share of sports challenges. Holder of World Championship titles for his age category in Ironman 70.3 and Ultraman Kona Hawaii, he has completed more than 30 Ironman events with multiple podium finishes and six first places in his age category, nine World Ultraman Championships as well as three RAAM (Race Across America) events.

Moments sombres

Le circuit ChapStick

0 Commentaires

Laissez un commentaire

Login

Welcome! Login in to your account

Remember me Lost your password?

Lost Password